Ce film, tourné en 1941, dans un profond noir et blanc, offre de belles images de l'époque victorienne, d'un Londres inquiétant et mystérieux plongé dans la noirceur de son célèbre brouillard. Très intéressante revisitation du magnifique roman de Stevenson par Victor Fleming, sur l'affrontement du bien et du mal, où la fascination pour le progrès scientifique du docteur Jekyll croit pouvoir guérir quiconque souffrant d'un fol attrait pour le mal. La scène d'ouverture du film met en scène un prêtre qui prêche depuis sa chaire; là où la religion échoue à soigner le mal, la science se propose d'y remédier.
L'idée très pertinente du réalisateur est d'avoir souhaité sonder le rapport ambigu et inavoué que le Dr Jekyll entretient à l'égard des femmes. Idée d'autant plus audacieuse que le désir sexuel omniprésent dans le film doit constamment se déjouer de la censure très rigide de l'époque. Pour aller de la pétillante mais virginale fiancée (interprétée par Lana Turner) à la serveuse de bar aux moeurs légères (superbement interprétée par Ingrid Bergman, belle à tomber), Dr Jekyll se fait Mr Hyde. D'une part, le désir sexuel réfréné, masqué par le devoir de civilité et qui ne peut s'accomplir avant le mariage; d'autre part, le désir brut et bestial qui s'accomplit dans le mal et la tyrannie la plus vile.
Adaptation et mise en scène très réussies donc, servies par un très beau casting. ( )

Ingrid Bergman shines as a woman of somewhat lose virtue, terrosized by Tracy's Mr. Hyde. ( )