Avant-propos

Dans l'étude que nous livre Victor Klemperer sur la Lingua tertii imperii, la langue des nazis, où les mots nouveaux sont moins nombreux que les retournements de sens et les valeurs nouvelles qui s'attachent à leur emploi ou déterminent la fréquence de leur martèlement, on suit les effets d'un empoisonnement graduel, celui d'une société tout entière, qui n'épargne pas même les esprits qu'on aurait crus les mieux protégés.
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Chapitre premier
Le « problème juif » au temps du soupçon

« À partir de l'arrivée au pouvoir d'Hitler, tous les Juifs français ont été suspects. Ils ont été suspects d'être antiallemands, antihitlériens, non pas en tant que Français, mais en tant que Juifs. [...] Il m'était difficile de dire, en dehors des cercles d'amis, ce que je pensais sur le national-socialisme, sans être suspect d'être emporté par ma passion juive48. » Raymond Aron, l'auteur de ces lignes, évoquait en ces termes « le temps du soupçon » qui, de 1933 à 1939, infléchit son rapport au monde qui l'entourait. [...]