Robert Johnson (1) (1911–1938)

> [Rock&Folk]. Robert Johnson, “Delta Blues Legend” (Masterworks Vol 13). In: R'n'F n°314 – Les Incontournables du Blues (octobre 1993)
Cher Dieu,
Vous voulez savoir comment lancer un nouveau culte sur notre petite planète ? Sauf votre respect, aucun problème.
Regardez Robert Johnson.
Ce double album est en fait la Bible du Blues. Son Ancien Testament découvert par Brian Jones en 62 et à partir duquel une génération de musiciens anglais fascinés portera une attention exagérée au blues. Cette obsession — car c'en est une — sauvera Johnson de l'oubli. Les Anglais feront la soudure. Reprenant le flambeau tendu par les Elmore James, Robert Lockwood Junior, Johnny Shines, voici les Cream ("Crossroads"), Rolling Stones ("Love In Vain"), Led Zeppelin ("Travelling Riverside Blues") qui renforcent le mythe.
Ailleurs, dans le numéro 314 de Rock&Folk, les détectives de Jim O'Neal vous racontent par le crible que sur johnson, prodige vagabond disparu à l'âge de 27 ans, on ne sait en fait... pas grand-chose. Ce qui est bien pratique pour lancer un culte indémodable d'autant qu'il y a ce coffret. Par le miracle du numérique, Robert Johnson, mort en 1938, vient de nous remettre sa copie, 29 morceaux, 41 prises. Qui était-il ? "Un troubadour errant, hanté" ressassent les rock critics blancs "par de noirs démons intérieurs rencontrés au Crossroad". Faisons grâce à l'amateur de ces enfers intimes qui en viendraient tout compte fait à cacher une oeuvre incomparable derrière son mythe. Car au-delà des petites rumeurs très secte Black Sabbath, se cache en fait une œuvre auprès de laquelle nos chevaliers de la modernité prennent un sacré coup de vieux. Faites à l'occasion écouter "Me And The Devil Blues" â un noir américain en 93 et... votre homme éclatera de rire. Oui, la où les honnêtes fans de Van Halen entendent en raclant les fonds une diabolique histoire de possession ("Me and the devil were walking side by side"), les gens du cru ne décellent pour leur part que la mise en boîte d'une compagne "très rouée, méchante" à l'emprise de laquelle, Johnson le chante, il n'échappera qu'après sa mort. La différence est de taille ! Johnson, on le voit, s'adresse aux siècles futurs. Voici comment on troussait une chanson en ces temps préhistoriques : une machine infernale et naïve, d'une complexité sans fin et toute simple. Autre pièce inouïe : le fameux "Terraplane Blues" qui commence par la description d'une guimbarde à bout de souffle et s'achève avec une exquise célérité sur une glorieuse partie de jambes en l'air sur la banquette arrière, les ahanements de la guimbarde étant devenus les hoquets de jouissance de la fille... Je me souviens également d'une description au scalpel d'un noceur-obsédé-sexuel : "Drunken Hearted Man". Enfin, mentionnons pour la bonne bouche "Malted Milk" dans lequel Robert exhorte sa compagne d'un soir à faire monter le "lait malté, mama, tu en fais tourner mon bouton de porte". De quoi parle-t-il, le rêveur éveillé du "Crossroad" ?
Et tout cela, en prime, avec une logique musicale mathématicienne géniale qui, dans l'émission Canal +, autorise Keith Richards à comparer Johnson à un Jean Sebastien Bach tripal. Et parolier fulgurant qui (prédestinant Gainsbourg ) ose écrire dès 1936 : "J'ai le Blues à propos de Miss Maehine Truc'' ("Rambling On 'My Mind"). La suite était facile à prévoir.
D'autant que les fans vigilants remettront toujours sur le tapis la disparition énigmatique de Johnson. Ce qui après tout est juste : ce que cherchait Robert Johnson, il l'a trouvé dans la mort. Le mythe n'a fait que s'amplifier, prenant des proportions de raz de marée. Sans clip ni promo, ce chef-d'œuvre inclassable s'est vendu à 800 000 exemplaires aux USA depuis sa sortie en 90. Et la religion dont nous parlions plus haut a pris corps. Pourquoi ? Comment, quand? La raison ici n'entre pas plus que la logique. Le blues n'est pas une science, votre cosmicitée en soit louée. Sinon, cet engouement de masse se serait reporté sur Charlie Patton ou Son House (dont les œuvres s'enfoncent sans bruit dans l'oubli général). C'est vieux tout ça, mais pendant ce temps, l'ombre de Robert Johnson grandit sans cesse, bénéficiant d'une aura culte enrichie de mille rumeurs. Il y avait Jack Kerouac, Sam Peckinpah et Philip K Dick, il y a également désormais Robert Johnson.
Ce sera tout Monsieur Dieu. Vous pouvez reprendre votre sieste. — Philippe Manœuvre
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Charly CD BM132

1.1. Kindhearted Woman Blues
1.2. Kindhearted Woman Blues
1.3. I Believe I'll Dust My Broom
1.4. Sweet Home Chicago
1.5. Rambling on My Mind
1.6. Rambling on My Mind
1.7. When You Got a Good Friend
1.8. When You Got a Good Friend
1.9. Come on in My Kitchen
1.10. Come on in My Kitchen
1.11. Terraplane Blues
1.12. Phonograph Blues
1.13. Phonograph Blues
1.14. 32-20 Blues
1.15. They're Red Hot
1.16. Dead Shrimp Blues
1.17. Cross Road Blues
1.18. Cross Road Blues
1.19. Walking Blues
1.20. Last Fair Deal Gone Down
2.1. Preaching Blues (Up Jumped the Devil)
2.2. I Had Possession Over Judgement Day
2.3. Stones in My Passway
2.4. I'm a Steady Rollin' Man
2.5. From Four Till Late
2.6. Hellhound on My Trail
2.7. Little Queen of Spades
2.8. Little Queen of Spades
2.9. Malted Milk
2.10. Drunken Hearted Man
2.11. Drunken Hearted Man
2.12. Me and the Devil Blues
2.13. Me and the Devil Blues
2.14. Stop Breakin' Down Blues
2.15. Stop Breakin' Down Blues
2.16. Travelling Riverside Blues
2.17. Honeymoon Blues
2.18. Love in Vain
2.19. Love in Vain
2.20. Milkcow's Calf Blues
2.21. Milkcow's Calf Blues… (altro)