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Dans cet ouvrage collectif, Frédéric Graber et Fabien Locher mobilisent treize auteurs pour interroger les liens entre environnement et propriété d’un point de vue historique. Trois questions centrales apparaissent : comment s’approprie-t-on la nature, à quel dessein, et avec quelles conséquences pour les populations et les ressources ? Les États-Unis, l’Europe et l’Asie du Sud-Est, du XVe siècle colonial à aujourd’hui, procurent autant d’exemples pour comprendre l’intérêt de posséder le territoire – développement économique, gestion de la population et des ressources, création de l’État-nation –, et les différentes manières d’y parvenir – la loi ou la violence. Parallèlement, on découvre les modèles ancestraux de gestion des terres – dont s’inspirent aujourd’hui les modèles « alternatifs » –, où la mutualisation du travail et des ressources était rendue nécessaire par de fragiles écosystèmes – une situation qui n’est pas sans rappeler la nôtre.

2La première partie s’attèle à « déconstruire la propriété » (p. 31) : comment la propriété est-elle advenue là où elle n’existait pas encore ? Reviel Netz et Nancy Lee Peluso s’intéressent au double processus de colonisation et de création de la propriété. De la nécessité de colonisation rapide du vaste territoire de l’Ouest américain découle celle d’une meilleure maîtrise des ressources alimentaires. Netz retrace ainsi l’histoire du barbelé, inventé pour contenir le bétail en l’éduquant par la douleur. Dans le Kalimantan occidental indonésien, c’est par le droit que le pouvoir colonial parvient à instaurer une agriculture intensive de caoutchouc. Au régime coutumier d’exploitation des terres se substitue un régime de propriété privée, que l’on juge plus simple à contrôler. Par l’exclusion des Chinois, en tant que groupe ethnique, de l’accès à la propriété, cette évolution a contribué à l’affaiblissement des liens d’amitié et de coopération entre les différentes populations puis à la disparition de l’exploitation de subsistance du riz, rendant les habitants tout à coup dépendants du commerce de caoutchouc pour se nourrir. Le troisième chapitre démontre, à travers l’exemple de l’eau, comment la conception juridique de la propriété a longtemps été l’objet d’un jeu d’interprétation à des fins utilitaires (Morton Horwitz). C’est le cas au XIXe siècle, dans le nord-est des États-Unis, alors que des droits de propriété hérités de la Common Law, jugés insuffisamment flexibles, entravent le développement industriel. Une bataille juridique s’impose alors pour retirer au propriétaire foncier le droit d’une jouissance absolue de son bien (notamment les moulins et les barrages) si celle-ci va à l’encontre de la croissance économique.

3La deuxième partie du livre aborde les différentes manières d’appliquer une forme de propriété à l’eau (Theodore Steinberg) et au monde biologique (Daniel J. Kevles) pour ensuite en vendre les ressources. En plein essor de l’industrie du textile, de grandes quantités d’énergie hydrauliques sont nécessaires. Ce contexte marque un tournant dans l’histoire américaine, avec l’apparition de sociétés spécialisées pour gérer les besoins énergétiques des filatures en Nouvelle-Angleterre. Similairement, comment s’approprie-t-on les animaux et les plantes ? Éleveurs et semenciers parviennent à trouver des mécanismes de contrôle sur les races de bétail et sur certaines semences. L’adhésion volontaire à des registres publics (stud books) garantissant la valeur de l’animal, la location d’un animal pour la monte, le dépôt de marque sur une plante sont autant de mécanismes ayant eu un effet bien réel sur la demande, qui a progressivement chuté pour les animaux sans pédigrée, tandis que les prix explosaient pour les animaux de race. En somme, l’intensification de la logique de marché et de la concurrence est le moteur de l’appropriation de la nature.

1 Spence Mark David, Dispossessing the Wilderness: Indian Removal and the Making of the National Park (...)
2 Blaut James M., Le modèle des colonisateurs du monde. Diffusionnisme géographique et histoire euroc (...)

4Si la propriété est une construction, la « nature sauvage » l’est aussi, paradoxalement. C’est l’hypothèse que proposent les auteurs de la troisième partie de l’ouvrage à travers une histoire de la « conservation ». En Allemagne préindustrielle (Richard Hölzl) comme à l’époque coloniale en Amérique du Nord (Harvey A. Feit) ou encore en Afrique (Roderick P. Neumann), l’idée directrice est la même : les pratiques autochtones seraient irrationnelles, constitueraient un mésusage de la terre, et pourraient poser un risque pour l’environnement. À l’inverse, la conservation (parcs nationaux, réserves fauniques), mais aussi la technique moderne relèveraient de pratiques rationnelles, efficaces et durables. Or, l’ambition coloniale est d’abord celle du développement économique destiné au marché, qui nécessite un contrôle strict des populations et du territoire. Ainsi, la « nature sauvage et inhabitée devait d’abord être créée, avant de pouvoir être préservée »1 (p. 233). C’est le « mythe du vide »2 (p. 242), à partir duquel on peut redessiner le territoire et déplacer populations et animaux. En outre, d’après Feit, le colonisateur s’appuie sur l’idée que les autochtones appartiennent à un stade inférieur de développement afin de justifier la « détribalisation », l’assimilation, et l’accaparement des terres. La dynamique est la même pour les populations rurales de l’Allemagne préindustrielle face aux débuts de la foresterie moderne, comme le démontre Hölzl. La technique moderne et centralisée, participant de la construction de l’État-nation, tournée vers l’exportation et la vente en gros, s’oppose ainsi frontalement à l’économie de subsistance.

5Dans la quatrième partie, les auteurs cherchent à démontrer comment les savoirs ancestraux et les communs ont permis d’assurer un minimum vital à la population, en étudiant quelles conditions ont permis cet équilibre et de quelles idées reçues il faut se départir à leur sujet. Les cas étudiés par Robert McC. Netting, James C. Scott et Paul Warde ont pour similitude une propriété communale qui parvient à préserver l’environnement et les moyens de subsistance de la population. À chaque fois, l’économie des communs se présente comme une nécessité face à un territoire écologiquement fragile (altitude, climat incertain). Si une ressource est rare, comme c’est le cas pour les forêts des alpages dans l’exemple qu’offre McC. Netting, il semble plus judicieux de l’exploiter en commun qu’à travers un régime de propriété individuelle : « Une propriété privée des forêts interférerait avec cet impératif d’une production stable et contrôlée et poserait des problèmes de satisfaction des besoins vitaux de chaque famille » (p. 276). Par ailleurs, face au spectre de la faim, les habitants ont moins d’intérêt à l’enrichissement qu’à la sécurité. La gestion du risque constitue ainsi « l’économie morale » de la société (p. 284). Toutefois, il faut prendre garde de ne pas romanticiser les communs. Plutôt qu’une organisation radicalement égalitariste basée sur la « pureté communautaire » (p. 306), il s’agirait d’une manière plus fiable d’assurer sa subsistance que l’économie de marché : la capacité de protection sociale est positivement corrélée aux pratiques traditionnelles, à l’autonomie et à la cohésion sociale. Sans surprise, la colonisation est venue briser cette autonomie et déséquilibrer l’interdépendance au sein de la population. Les habitants se sont vus dépossédés de ce qui était autrefois libre d’accès (pêche, forêts), et face à la nécessité de « trouver de l’argent » (p. 301) pour subvenir à leurs besoins, ont subi un mouvement forcé vers le salariat et l’économie de marché.

6Qu’en est-il de la propriété au temps de la crise environnementale ? C’est à cette question que la dernière partie du livre tente de répondre. Si certains se sont battus pour une évolution des lois en faveur d’une « éthique de la terre » (Adam Rome), d’autres ont défendu la propriété privée devant les tribunaux avec des résultats mitigés (Stuart Banner). Dans les années 1970, des États américains ont tenté de répondre juridiquement aux coûts environnementaux liés à l’usage des sols. C’est un point tournant : juristes et société civile remettent en cause la conception classique de la propriété, acceptée depuis l’époque des pères fondateurs comme un « rempart contre l’oppression, une source d’ordre et une invitation à entreprendre » (p. 348). Une des idées centrales de Rome est que l’État semble mieux à même de défendre la cause environnementale que des villes préoccupées par leur développement économique et plus vulnérables aux pressions du secteur privé. Ces luttes ont permis de promulguer des lois pour la protection zones humides, de l’air et de l’eau, mais il s’est avéré difficile de faire avancer la législation sur l’usage des sols, qui reste liée de très près à la propriété privée. L’époque a aussi été celle d’une réaffirmation de la propriété, avec la désignation à la Cour suprême de juges ayant « un goût marqué pour les vertus de la propriété » (p. 384), et ce dans le contexte politique du tournant néolibéral.

7Riche en exemples et relatant une histoire approfondie de la propriété, cet ouvrage offre un éclairage majeur pour appréhender les enjeux environnementaux actuels. Aujourd’hui comme hier, les entraves à un développement économique destructeur sont combattues sur le terrain comme devant les juges. Les lecteurs retiendront toutefois plusieurs exemples de luttes ayant permis à des habitants de préserver leurs droits ancestraux, en passant par les tribunaux et la désobéissance, pratiques que l’on retrouve aujourd’hui dans certains mouvements sociaux. Cette insoumission est liée à la conviction que des savoirs locaux sont mieux à même de protéger la nature et d’assurer la subsistance, par la préservation de la complexité des écosystèmes, à l’opposé d’une rationalisation et d’une simplification posant un risque environnemental et humain avéré. De plus, cet ouvrage démontre que les dualités « nature-culture, consommation-production, vie sauvage-civilisation » (p. 257) ont été essentielles à la mise en place de l’État moderne, permettant un contrôle de l’espace plus strict. Il s’agit toutefois de s’en détacher, cette dichotomie créant des déséquilibres et empêchant d’imaginer l’espace autrement. L’ouvrage réunit donc nombre de qualités, mais il aurait été intéressant de proposer une réflexion sur les conséquences de ces dynamiques de contrôle de l’espace dans la France contemporaine.
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Notes

1 Spence Mark David, Dispossessing the Wilderness: Indian Removal and the Making of the National Parks, New York, Oxford University Press, 2000, p. 4.

2 Blaut James M., Le modèle des colonisateurs du monde. Diffusionnisme géographique et histoire eurocentrique, Créteil, Calisto, 2018. Compte-rendu de Marie Lécuyer pour Lectures disponible à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/lectures/28103.

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https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2019-3-page-201...
Les douze textes réunis et traduits ici participent d’une même démarche d’historicisation des rapports entre environnement et propriété, qui vise à rompre avec une conception étriquée de cette institution, trop souvent réduite par les théories dominantes de l’économie orthodoxe à la seule propriété privée, individuelle et exclusive quand elle n’est pas présentée comme universelle, pacifique et intemporelle. Cet objectif est largement atteint eu égard à la qualité des textes rassemblés dans cette petite anthologie historique et anthropologique. La riche introduction de F. Graber et F. Locher précise d’emblée l’ambition de ce projet éditorial : proposer une réflexion alternative sur la question de l’appropriation de la nature en restituant complexité et profondeur temporelle à la multiplicité des « trajectoires de la propriété » dans l’histoire (p. 27), qu’il s’agisse des transformations de la propriété privée au gré de l’industrialisation et de la montée des préoccupations environnementales, ou du retour des formes de propriété collective encouragé par le mouvement actuel en faveur des communs. Pour cela, les deux éditeurs ont choisi de rendre accessibles au lectorat francophone douze textes initialement publiés en anglais, soigneusement traduits et agrémentés chacun d’une courte notice insistant sur leur force de proposition théorique et leurs apports à l’économie générale de l’ouvrage.

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On pourrait sans doute discuter de la sélection de ces textes, dont les auteurs (neuf Américains, une Américaine, un Anglais et un Allemand) sont issus du monde anglo-saxon. N’aurait-il pas été souhaitable de faire une place à d’autres traditions historiographiques, comme le courant indien des Subaltern Studies par exemple, dont les auteurs ont largement exploré les rapports entre environnement et propriété en contexte (post-) colonial ? On regrettera par ailleurs qu’aucune contribution n’aborde le cas des océans (et de leurs ressources), qui représentent tout de même 70 % de la surface potentiellement appropriable du globe. Cela dit, les textes retenus sont d’excellente facture et embrassent une large palette de biens matériels et immatériels (notamment les terres, les eaux [fluviales], les forêts, les pedigrees animaux ou les droits d’émission) pour analyser des processus historiques majeurs tels que la « marchandisation » (commodification) de la nature et l’enclôture des communs.

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Retenons-en trois pour mieux souligner la richesse du recueil. L’article de W. Cronon permet de mettre en perspective le modèle occidental de la propriété privée en le confrontant aux conceptions amérindiennes remises en question au cours de la colonisation nord-américaine. On connaît le résultat : l’expropriation brutale des Amérindiens via le bornage et la clôture de leurs anciennes terres de chasse, de culture et cueillette au nom de l’échec présumé de ces populations à faire valoir efficacement les richesses de leur territoire, autrement dit à l’« améliorer » (p. 58). Toutefois le texte de W. Cronon va plus loin : non seulement il restitue finement les conceptions amérindiennes de la propriété, mais il démontre également les effets écologiques de la nouvelle manière de s’approprier la terre imposée par les Européens. L’article de R.P. Neumann vient prolonger cette réflexion sur les modalités historiques de l’expropriation des populations autochtones, mais en inversant la perspective pour théoriser ce qu’il appelle des « enclosures de la conservation ». Le terme renvoie ici à un processus historique de dépossession au nom de la protection de la nature et de la préservation de la faune sauvage qui participe, selon R.P. Neumann, du déploiement territorial de l’État (colonial) moderne. Les mécanismes qu’il identifie à partir du cas de la réserve animalière de Selous en Tanzanie se repèrent en effet dans d’autres contextes nationaux : négation (ou effacement délibéré) des usages antérieurs, mobilisation de « récits de dégradation » pour justifier la mise en parc naturel, production d’une « nature sauvage artificielle » et fi nalement « ségrégation spatiale des populations humaines et animales » (p. 201-203). On retrouve ici la question des rapports entre propriété, violence et fabrique des territoires qui est au cœur du texte de N. Peluso sur la culture du caoutchouc en Indonésie. Mêlant approche historique et anthropologique, elle analyse la manière dont la plantation d’hévéas a contribué à redéfinir les droits de propriété foncière et à créer des territoires fortement racialisés tout au long du xxe siècle. Outre qu’elle met en évidence l’importance des identités ethniques comme facteur d’un accès différencié à la terre, son étude de cas est intéressante car elle invite à aller au-delà d’une conception strictement juridique de la propriété – en termes de droits et de titres – pour la concevoir également dans ses dimensions sociales et politiques, à travers les pratiques effectives des acteurs qui peuvent perdre ou acquérir de facto la possibilité d’exploiter une terre (par la violence, l’illégalisme, etc.).

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En cela, le texte de N. Peluso est bien dans l’esprit général de l’ouvrage, dont l’un des intérêts majeurs est justement de décliner, d’un article à l’autre, tout un éventail de modes d’appropriation de l’environnement incarnés non seulement dans des formes juridiques, mais aussi, et c’est fondamental, dans des dispositifs matériels et des outils techniques qui constituent les véritables infrastructures de la propriété. Notons enfin que ce trop bref aperçu ne doit pas tromper sur l’importance de tous les articles rassemblés dans ce volume, ni sur l’actualité des enjeux écologiques et politiques qu’il soulève et qui lui assureront, on ne peut que l’espérer, un public nombreux, au sein comme au-delà du monde académique.

Mis en ligne sur Cairn.info le 04/09/2019
https://doi.org/10.3917/rhmc.663.0201… (altro)
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jmv55 | Nov 11, 2023 |

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